Revue n°181

Ce numéro 181 de la revue a pour thème
« Eduquer pour émanciper ». Il coïncide ainsi
au thème retenu pour le prochain congrès
de la Fédération des Aroéven qui se tiendra
du 26 au 28 mai à Limoges. Les notions
d’émancipation et d’éducation constituent des enjeux
majeurs pour notre Mouvement et ce depuis son origine.
Les Aroéven fêteront, au cours de ce congrès, leur
70ème anniversaire. Depuis leur création en 1952, les
Aroéven, militent pour une éducation permanente et
globale. Le mouvement est porteur d’un projet de
changement de la société, visant à plus de justice sociale.
Les actions développées dans et hors l’école traduisent
les valeurs défendues par notre Mouvement : respect,
fraternité, solidarité et citoyenneté.
En affirmant que l’École et le temps de loisirs se donnent,
dans un rapport complémentaire à la famille, comme
mission principale de construire le futur citoyen, la
fédération des Aroéven s’engage non seulement à mettre
en oeuvre des procédures relationnelles fondées sur le
respect, la confiance, le dialogue et l’écoute mais aussi
à apporter sa contribution à relever les défis auxquels la
société aura à répondre : L’Émancipation des Femmes et
des Hommes et leur inclusion citoyenne, sociale, scolaire
ou professionnelle.
Si l’inclusion est un objectif essentiel, la réflexion sur
l’émancipation et sur l’aide apportée à tout individu de
s’émanciper est ainsi fondamentale.
Dans sa quête de l’émancipation, l’institution scolaire
joue un rôle déterminant dans l’affranchissement des
dogmes, l’égalité des droits entre les femmes et les
hommes, le respect de la laïcité, l’affirmation du principe
de l’éducabilité de toutes et tous, l’ambition de la réussite
scolaire, la lutte contre les sorties sans qualification…
Le Congrès 2022 est une nouvelle opportunité pour
mettre en lumière les valeurs émancipatrices de notre
projet associatif. Ce sera aussi l’occasion de réinterroger
cette question de l’émancipation inscrite par nos
fondateurs dans les finalités de notre projet avec l’idée
que l’enjeu éducatif est central dans la construction d’une
citoyenneté pleine et entière. « Education populaire » et
émancipation de la personne sont deux démarches, deux
finalités qui vont de pair, animées par la même volonté
politique de permettre au plus grand nombre l’accès à la
culture, aux responsabilités collectives, à l’éducation à la
citoyenneté, à l’exercice de la démocratie comme partage
des pouvoirs... La visée émancipatrice est intrinsèque
à toutes nos actions. Cependant, à l’aune de nos
fonctionnements associatifs, il nous apparait nécessaire
de réinterroger la signification de cette valeur humaniste
sous peine de la voir progressivement se galvauder.
Ce numéro a pour objectif principal de favoriser la
précision des contours de ce concept.
À cet égard, comme le rappelle Chantal Laval-Maingraud,
« la racine latine du terme est intéressante à prendre
en compte : émanciper va dans le sens contraire de
« manucapare » [« manus » (main) et de « capare »
(prendre, posséder)]. » Il s’agit donc non pas de prendre
la main, mais bien de la lâcher, d’affranchir les individus
d’une tutelle, quelle qu’elle soit. Ainsi, Laurence de Cock
précise qu’elle vise à « libérer de toute forme d’emprise,
quelle qu’elle soit, dont l’emprise de son milieu social ».
Ainsi, comme cela a été posé dans notre charte datant
de 1961 (principes, buts et moyens de l’éducation
permanente des adolescents), cela conduit à interroger
la posture de l’éducateur, au sens large du terme. Philippe
Meirieu indique « qu’émanciper, c’est permettre à chacun
et chacune de se dépasser. Ce que peut faire l’éducateur,
c’est donc créer les situations au sein desquels les êtres
pourront s’émanciper eux-mêmes. »
L’école joue bien évidemment un rôle central vers
l’émancipation mais comme le rappelle Rémi Sueur :
« À l’origine, l’école de la République devait convaincre
les familles ouvrières et l’ensemble des enfants des
classes travailleuses de ce que l’instruction obligatoire,
pour être essentielle, n’était qu’une première étape sur
le chemin de l’émancipation. » Alors que « notre système
éducatif est un système marqué par de fortes inégalités
que des élèves finissent par intérioriser comme un
destin, une sorte de fatalité. » il est nécessaire selon Aziz
Jellab de « mettre en place une pédagogie coopérative,
afin de créer les conditions pour que des élèves qui
appartiennent à différents univers sociaux puissent vivre
ensemble, et apprendre ensemble. Il y a un enjeu de
mixité sociale. » Cette émancipation sociale pour l’école
passe nécessairement par une dimension collective
pour viser un modèle de société juste, égalitaire et dans
lequel la question de la réussite se situe grâce aux autres.
Sébastien Goudeau nous rappelle que « les enquêtes PISA
révèlent que plus les systèmes sont compétitifs, plus ils
sont inégalitaires. On peut donc penser qu’une façon de
réduire les inégalités serait de réduire les processus de
sélection, voire de compétition à l’école ».
Les Aroéven, en militant pour une éducation permanente
et globale, ont développé des actions dans et hors
l’école s’inscrivant ainsi dans une démarche d’éducation
populaire convaincues que les temps de loisirs sont des
temps d’épanouissement, d’émancipation, d’éducation.
Il faut aujourd’hui vérifier si, dans une société de plus en
plus judiciarisée et normative où le concept du « risque
zéro » prédomine, nos actions s’accordent toujours avec
cette intention éducative. C’est l’objectif de cette revue
et le sens de notre congrès.n