Lannion. A l’école, ils vont déminer les terrains à embrouilles

La médiation par les pairs engagée par l’Aroéven Bretagne 

 Ouest-France Lannion  le 6 décembre 2017


 À l’école de Servel, à Lannion, les enfants se feront bientôt médiateurs pour désamorcer ces petits conflits entre élèves. Un rôle que ces CM1-CM2 prennent au sérieux. Et auquel ils se préparent.

Il y a quelques jours, il y a eu embrouille à la chorale de l’école. « Justine m’a tapée parce que je chantais faux », rapporte Lili Rose.

Devant ses camarades médiateurs, la petite fille donne sa version des faits. Avant de se retirer dans le couloir. Au tour de l’intéressée de prendre place devant ses camarades et de s’expliquer : « Je l’ai tapée parce que ça m’a fait du bien ! »répond tout de go Justine à ses camarades, qui l’interrogent sur ses motivations et son ressenti. Dans quelques minutes, ils recevront ensemble les deux copines pour les amener à résoudre par elles-mêmes leur différend.

« Pas que des broutilles »

Ce n’est-là qu’une simulation. Si ces 12 élèves interprètent ce genre de saynètes, c’est pour mieux se préparer à la médiation qu’ils mettront en œuvre à partir de janvier, « pour de vrai ».

Car le groupe scolaire de Servel est la première école de Lannion (160 enfants en élémentaire) à expérimenter ce dispositif dit de « médiation par les pairs ». Objectif : confier aux minots le soin de déminer les petits conflits du quotidien.

« Celle-ci n’est plus ma copine, celui-là m’a piqué mes billes… Ces embrouilles ratatouille, comme je les surnomme, non seulement nous font perdre du temps, mais elles peuvent nuire à l’ambiance de la classe », explique avec une pointe d’humour Julie Astorgue (CE1), l’une des deux enseignantes référentes (avec la directrice) de ce dispositif.

12 retenus sur les 37 volontaires

« Bien souvent, les enfants s’estiment incompris des adultes, qui prennent pour des broutilles ce qu’eux prennent très à cœur. Alors quoi de mieux que des enfants pour écouter leurs pairs ? »

La perspective de ce projet a aussitôt emballé les élèves : « Sur les 37 volontaires, nous avons retenu 12 médiateurs de CM1-CM2 », poursuit l’instit’, rejointe dans l’aventure par 6 animateurs de l’école, dont Blandine Menguy, la coordinatrice. « Comme les conflits ne se cantonnent pas à la salle de classe, il nous a paru crucial d’inclure dans le projet les animateurs des temps périscolaires, employés par la Ville, pour avoir une démarche globale et cohérente », explique Patrice Kervaon, l’adjoint au maire, en charge des affaires scolaires.

Ni juges, ni arbitres

Bientôt, grâce aux trombinoscopes affichant les bobines de leurs camarades médiateurs, ceux qui le souhaitent pourront interpeller l’un d’eux pour solliciter une intervention. « Dès lors, un adulte référent décidera si le conflit est bien du ressort de la médiation. Car en aucun cas, les enfants n’auront à régler des situations graves ou de violences », décryptent Julie Astorgue et Bandine Menguy.

Après avoir écouté leurs camarades « appelés les médiés », sur les circonstances de la brouille, les 2 à 4 médiateurs orienteront leur travail sur les émotions. « Nos petits médiateurs ne sont ni juges ni arbitres : par leurs questions, ils vont interroger le ressenti de chacun. À quoi as-tu pensé en faisant ça ? Que faudrait-il pour te sentir mieux ? Ils vont ainsi aider les médiés à trouver eux-mêmes l’issue. »

« Encourager l’empathie »

Pour Julie Astorgue, ça ne fait pas un pli : « Mettre des mots sur les émotions et dire stop à une situation qu’on ne supporte plus, c’est libérateur. Et cela peut prévenir des problèmes plus importants, comme le harcèlement ». De son côté, à travers ce partenariat avec l’Éducation nationale, Patrice Kervaon y voit l’opportunité pour la Ville de Lannion d’ « encourager concrètement l’empathie auprès des enfants et la communication bienveillante ».

Une réformette sans lendemain ? L’initiative s’inscrit au contraire sur le long terme. « Nous sommes accompagnés sur ce projet par l’association Aroeven, durant 3 ans. Ensuite, nous devrions être autonomes. Et puis, l’expérience de la médiation ne s’arrêtera pas là pour nos élèves : ils auront l’occasion d’exercer leur nouveau talent au collège Le Goffic, qui la pratique déjà. C’est lui qui nous a ouvert la voie. »

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